L’analyse d’urine : un outil diagnostic simple et peu coûteux
L’analyse d’urine est le 3ème examen complémentaire à visée diagnostique après la numération-formule sanguine et le profil biochimique (analyses de sang). Saviez-vous que c’est le meilleur moyen pour diagnostiquer un dysfonctionnement rénal avant l’apparition d’une insuffisance rénale ?
L’analyse d’urine comprend l’évaluation des caractéristiques physiques, chimique et l’évaluation du sédiment microscopique. Pour cela, les vétérinaires ont à disposition les bandelettes urinaires mais également des analyseurs d’urines semi-automatiques ou automatiques. Découvrez tous les secrets de l’analyse d’urine !
Méthode de collecte
Les méthodes couramment utilisées pour collecter les urines chez les animaux sont:
- la miction spontanée (l’animal urine dans un récipient)
- le sondage urinaire (une sonde est introduite dans les voies urinaires)
- la cystocentèse
Lors de cystocenthèse, sous contrôle échographique, comme sur la photo, le vétérinaire visualise la vessie et prélève les urines directement à travers la peau de l’abdomen.
Chaque approche a ses avantages et ses inconvénients. Pour l’analyse microbiologique, la cystocentèse est la méthode la plus précise et la plus pratique ; cette méthode élimine la possibilité de contamination par l’urètre et le système génital que l’on peut avoir avec les autres techniques.
Examen de l’urine
Un examen complet des urines comprend un examen macroscopique et microscopique des urines.
Un examen macroscopique est relativement rapide, peu couteux et facile. Elle comprend une évaluation subjective des propriétés physiques (couleur, odeur et clarté) et détermination de la densité urinaire. Aussi, l’évaluation semi quantitative des substances chimiques par l’utilisation de bandelette urinaire.
Examen physique de l’urine
-Couleur
Il faut observer l’urine dans un tube à essai sur un fond blanc avec une bonne lumière.
L’urochrome, une combinaison d’urobiline et d’urobilinogène avec un peptide, est la principale substance colorante des urines. La couleur de l’urine est corrélée avec la densité urinaire.
La couleur de l’urine chez le chien et le chat en bonne santé est transparente et jaune clair, jaune ou ambre. L’intensité de la couleur varie considérablement avec la concentration de l’urine, le régime alimentaire, les médicaments, la santé de l’animal et l’état d’hydratation. L’urine concentrée est jaune foncée, tandis que l’urine diluée est jaune pâle. La présence de constituants anormaux peut faire des différences à la couleur de l’urine.
Par rapport à la norme jaune, une couleur jaune plus foncée est observée en cas de présence de bilirubine et ses produits associés. Une couleur rouge ou brune est présente lors d’hématurie, d’hémoglobinurie ou de myoglobinurie.
-Odeur
Les substances urinaires sont des produits intermédiaires ou finaux de plusieurs voies métaboliques tels que les cétones, l’alcool et le sulfure, qui provoquent souvent une odeur particulière. Cela reste évidemment une évaluation subjective.
L’urine standard a une légère odeur d’ammoniac ; néanmoins, l’odeur dépend de la quantité d’urine. Il a été étudié que l’odeur peut différer selon le sexe du chat !
Quelques odeurs suggérant des odeurs d’infections urinaires : ammoniac (la bactérie productrice d’uréase) et une odeur de sulfure d’hydrogène qui peuvent persister dans les infections urinaires induites par l’espèce Proteus.
Une odeur d’acétone peut être notée dans l’urine d’animaux atteints de cétose/acidocétose.
–Clarté/transparence/turbidité
La turbidité peut être évaluée semi-quantitativement en visualisant clairement le papier journal de fond dans un récipient transparent sous un bon éclairage à partir d’un échantillon d’urine bien mélangé. L’urine est généralement claire.
Le sperme, le mucus, les matières fécales et les lipides peuvent provoquer une turbidité dans des conditions normales. L’augmentation du nombre de cellules, cristaux, cylindres ou les organismes peuvent augmenter la turbidité urinaire dans des conditions pathologiques.
-Densité urinaire
La densité urinaire est un indicateur de la capacité du rein à concentrer ou à diluer l’urine. Elle se mesure de façon simple à l’aide d’un réfractomètre.
La densité urinaire chez le chat sain et le chien est respectivement entre
1.001-1.085 et 1.001-1.075. Elle peut varier au cours de la journée (prise de boisson récente, petite déshydratation à la suite de fortes chaleurs …).
Elle permet de confirmer un syndrome polyuro-polydispie, présent lors de diabète par exemple.
Examen chimique de l’urine
Certaines des propriétés chimiques urinaires du chien et du chat (pH, protéines, cétones, hémoglobine/sang occulte, bilirubine, etc.) peuvent être testées de manière fiable avec l’utilisation de bandelette urinaire. Il s’agit d’une évaluation semi-quantitative. Certains facteurs ne sont pas toujours fiables ainsi les plages densité urinaire, urobilinogène, nitrite et leucocytes ne sont pas utilisées pour les espèces animales.
-pH urinaire
La plage de pH urinaire normale du chien et du chat est de 6-7,5. Divers facteurs rénaux et extra-rénaux l’influencent. L’alimentation joue un rôle important pour le pH urinaire. Les cristaux et les calculs dépendent fortement du pH urinaire.
Lors d’infection urinaire le pH augmente généralement.
-Protéines
Un animal en bonne santé n’excrète pratiquement pas de protéines dans ses urines. Le glomérule du rein fonctionne comme un filtre qui est perméable à l’eau, aux solutés mais qui retient les cellules et la plupart macromolécules, telles que l’albumine et les globulines.
Les protéines urinaires totales peuvent être mesurées avec une bandelette urinaire, l’acide sulfosalicylique (SSA) (test sulfosalicylique) ou le rapport protéine-créatinine urinaire (RPCU).
La bandelette de test mesure principalement l’albumine. Les résultats sont exprimés en trace (10 mg/dL), 1 + (30 mg/dL), 2+ (100 mg/dL), 3+ (300 mg/dL) ou 4+ (1000 mg/dL).
Chez les chiens et les chats, le test est influencé par le pH de l’urine : faux positifs lors de pH alcalin. En raison de la présence de cauxine dans l’urine féline, des faux positifs sont également très fréquents (jusqu’à 60% !), en particulier chez les chats matures.
A l’inverse des faux négatifs sont possibles lors de protéinurie de Bence Jones, lors d’urine diluée ou trop acide.
Les causes possibles de protéinurie chez les chiens et les chats peuvent être classés en pré-rénal, rénal et post-rénal.
- Causes pré-rénales: hémoglobine lors d’hémolyse intravasculaire, myoglobine lors de rhabdomyolyse et chaînes légères d’immunoglobulines lors de myélome multiple ou de lymphome.
- Causes rénales: exercices intenses, fièvre, convulsions, exposition à une chaleur extrême ou au froid, causes de lésion ou de dysfonctionnement glomérulaire, toutes les causes de dysfonctionnement tubulaire rénal.
- Causes post-rénales: infections urinaires, calculs urinaires, tumeurs.
La bandelette urinaire est un test sensible (mais pas très spécifique) ; une réaction négative est généralement fiable, ce qui en fait un test de dépistage utile. En revanche un résultat positif doit toujours être confirmer par le test de référence : le rapport protéine sur créatinine urinaire (RPCU)
-Glucose
Du glucose peut apparaître dans les urines si la glycémie dépasse le seuil de réabsorption rénal ou si la réabsorption est altérée.
La bandelette urinaire détecte le glucose par une réaction chimique enzymatique qui entraîne un changement de couleur proportionnel à la quantité de glucose.
La glucosurie se développe généralement lorsque la glycémie dépasse environ 2 g/L chez le chien et 2,5-3 g/L chez le chat.
Les causes courantes de la glycosurie sont le diabète sucré, le stress, en particulier chez le chat et le dysfonctionnement rénal lors de leptospirose par exemple.
-Corps cétoniques
3 types de corps cétoniques sont produits : l’acétone, l’acide acéto-acétique et l’acide beta-hydroxybutyrique. Ils correspondent aux produits de dégradation d’acide gras et suggère donc un changement du métabolisme des glucides vers celui des graisses, rencontré lors de diabète sucré ou lors de jeune prolongé.
-Bilirubine
La bilirubine n’est pas présente dans les urines de la plupart des animaux, à l’exception des chiens qui peuvent avoir physiologiquement 1+ de bilirubine. Le seuil rénal étant bas, la présence de bilirubine dans les urines peut précéder l’ictère clinique.
Comme la bilirubine est dégradée par la lumière ultraviolette, l’échantillon d’urine ne doit pas être directement exposé à la lumière.
L’urobilinogène et les nitrites sont inutiles.
-Sang
La bandelette urinaire détecte les composés contenant de l’hème par un processus chimique enzymatique, qui aboutit à un changement de couleur par rapport à la quantité de substance présente.
Le test est très sensible mais ne permet pas de différencier une hématurie (globules rouges intacts), d’une hémoglobinurie due à la destruction des globules rouges ou d’une myoglobinurie rencontrée lors de lésions musculaires intenses.
La centrifugation des urines permet de détecter l’hématurie avec l’apparition d’un culot de globules rouges. L’examen microscopique des urines peut également détecter des globules rouges intacts.
-Les leucocytes
Les bandelettes urinaires sont très peu fiables pour la détection des leucocytes (globules blancs), en particulier chez le chat.
Examen microscopique de l’urine
L’examen au microscope des urines consiste à énumérer et identifier les éléments insolubles de l’urine : les cellules, les micro-organismes, les cristaux, les cylindres.
Suite à la préparation du sédiment urinaire, le balayage initial de la lame est réalisé à faible grossissement (×10) ce qui permet d’évaluer la quantité de matériel présent et la qualité de la préparation des échantillons.
L’examen à x 40 permet d’évaluer le nombre et la morphologie des cellules, identifier les cylindres et les cristaux.
Les cellules
- Globules rouges
Chez les animaux sains, jusqu’à 5 globules rouges peuvent être présents par HPF.
La lyse des globules rouges se produit lorsqu’ils sont exposés à l’urine pendant une durée plus longue. La lyse est accélérée soit dans les urines diluées (USG <1,006) ou dans les urines alcalines, résultant en une mesure de sang occulte positive sur la bandelette mais pas d’érythrocytes évidents dans les sédiments.
- Globules blancs
Chez un animal sain, cinq globules blancs peuvent être présents par HPF. L’infection des voies urinaires peut être associée à une pyurie > 5 GB par HPF. Les globules blancs se lysent dans l’urine et peut diminuer de 50 % en une heure si l’échantillon est conservé à température ambiante.
- Cellules épithéliales bénignes ou tumorales
Un faible nombre de cellules épithéliales se trouve dans l’urine d’animaux sains. Une augmentation de ces cellules peut être rencontrée lors d’inflammation, de lésion rénale, de tumeur. Un cytologiste expérimenté peut déterminer le caractère bénin ou malin de ces cellules.
Les micro-organismes
L’urine est stérile, et donc la présence de bactéries, de levures et de champignons dans l’urine n’est jamais naturelle.
Des micro-organismes potentiellement infectieux peuvent être trouvés dans l’urine (coques, bacilles) et il faut déterminer si ces organismes résultent d’une contamination ou prouvent une infection active. L’analyse bactériologique des urines prélevées par cystocentèse est l’examen de choix pour mettre en évidence une infection urinaire et permet d’obtenir l’antibiogramme. Lors d’infection urinaire, les micro-organismes sont généralement accompagnés de globules rouges, de globules blancs et de protéines de l’inflammation.
Cristaux
Les cristaux dans l’urine sont fréquents et ce n’est pas toujours associée à une maladie.
Les struvites surviennent principalement dans les urines basiques, ils peuvent être associé à une infection urinaire.
Les oxalates sont à l’inverse retrouvé dans les urines acides. Ils peuvent indiquer une hypercalcémie ou une intoxication à l’éthylène glycol (antigel de voiture)
Les cristaux d’urates d’ammonium suggèrent une insuffisance hépatique ou un shunt hépatique. Ils peuvent en revanche être normalement rencontrés chez les dalmatiens et les bouledogues
Les cylindres
Les cylindres urinaires (hyalins, cellulaires) sont des moules cylindriques formés par les lumières des tubules rénaux.
Une augmentation du nombre de cylindres dans les urines peut permettre de suspecter un processus pathologique dans les reins.
Gouttelettes lipidiques
Les gouttelettes lipidiques se trouvent couramment chez les félins échantillons d’urine.
Spermatozoïdes
La présence de spermatozoïdes n’a pas de conséquences cliniques lorsqu’elle est observée dans un échantillon d’urine d’un mâle non stérilisé. Des nombres élevés peuvent suggérer une éjaculation rétrograde.
Conclusion
L’analyse d’urine n’a désormais plus aucun secret pour vous: c’est un test de dépistage sûr qui peut révéler une grande quantité d’informations sur la santé du patient et ne doit donc pas être négligée chez nos chiens et nos chats.
Les méthodes de collecte et de manipulation des échantillons jouent un rôle essentiel dans l’interprétation des résultats.
L’analyse d’urine doit être considérée comme un examen diagnostic indispensable et devrait être réalisée quel que soit l’âge du patient ou quel que soit son état de santé.